Le SNUS, façon efficace et sans risque d’arrêter de fumer ?

L’addiction (ou dépendance) au tabac est l’une des plus puissantes addictions qui soit. Elle est toutefois variable selon les individus. Une définition a été proposée par les experts de l’OMS :
On appelle dépendance à une substance donnée, un état psychique, parfois physique (probablement inexistant dans le cas du tabac) résultant de l’interaction entre un produit et un organisme vivant caractérisé par des réponses associant toujours une compulsion (besoin irrépressible, « craving » des Anglo-Saxons) à prendre le produit pour ressentir ses effets psychiques et éviter le manque (syndrome de sevrage).
Plus simplement, Robert Molimard définit la dépendance d’une drogue pour une personne donnée comme étant « la difficulté qu’il mettra à s’en défaire. » La force d’une substance n’est donc pas dans le produit, mais dans le cerveau de celui qui la consomme. Tout est là ! Certains ne seront jamais très dépendants au tabac quand d’autres, quoi qu’ils fassent, auront les plus grandes peines du monde à stopper cette addiction.
Cela amène deux questions :
- Quel est le produit responsable de cette addiction dans le tabac ?
- Pourquoi certaines personnes seront-elles « addicts » au tabac et d’autres pas ?
Le produit responsable de l’addiction
En l’état actuel de nos connaissances, on sait que le produit responsable en grande partie de la dépendance au tabac est la nicotine. Celle-ci est un pesticide naturel secrété par les plants de tabac (mais pas seulement). Cette plante, originaire d’Amérique du Sud, peut atteindre deux mètres de haut. Ses feuilles sont vert tendre, évoquant un peu la feuille d’épinard. Il faut couper les sommités fleuries pour que les feuilles se développent et se chargent en nicotine. On comprend donc pourquoi les industries cigarettières ont privilégié et préféré les feuilles de tabac grillé à toute autre plante séchée : la dépendance est telle avec la nicotine que la cigarette rend très vite les fumeurs captifs. Depuis les années 60, la dépendance induite par la nicotine et la dangerosité du tabac est bien connue de cette industrie. Pourtant, jusqu’à la fin des années 90, elle déclarera devant les tribunaux que ses clients font un choix libre, responsable et informé et que le tabac ne crée aucune dépendance.
Un choix libre… Voilà, pour tous les fumeurs qui, quel que soit leur état de santé, ne parviennent pas à cesser leur dépendance au tabac ! Le Professeur de santé publique, Gérard Dubois précise :
Les produits du tabac sont les seuls produits légalement disponibles qui soient nocifs quand on s’en sert comme prévu par le fabricant.
Qui devient dépendant au tabac ?
La vulnérabilité aux addictions a des origines très complexes chez l’homme.
- L’âge est une variable essentielle et c’est pourquoi il faut tout faire pour que les jeunes n’entrent pas dans cette dépendance.
- Les facteurs environnementaux sont bien connus et le fait, très jeune, d’être exposé à cette drogue, dans son milieu familial ou social, favorise le passage à l’acte. Il y aurait « une chance sur deux » qu’un adolescent devienne « accro » au tabac si les parents le sont.
Mais cela est loin de tout expliquer.
Nombre d’enfants ne fument pas ou rejettent très vite le tabac lors de leur première tentative, malgré des parents grands fumeurs. Récemment, un chercheur de l’Institut Pasteur, Benoît Forget, a isolé une mutation génétique qui induit un irrépressible besoin de nicotine chez certains fumeurs. Mais, bien souvent, la vulnérabilité aux drogues fait intervenir des centaines de sites différents sur l’ensemble du génome et ne concernerait qu’une toute petite part du craving. Cela impose d’évoquer les sites de récepteurs centraux de la nicotine sur le cerveau (récepteurs nicotiniques).
Il est probable que, pour une partie de la jeunesse (sous l’influence de facteurs culturels, sociaux, environnementaux), ce soit l’attrait des jeux interdits, le besoin – par un rite initiatique – de passer de l’autre côté, de devenir adulte qui déclenche la première tentative. Souvent, fumer provoque peu d’effets comportementaux, donnant des « fumeurs du dimanche » qui pourront cesser assez facilement leur dépendance. Ailleurs, la prise de la substance addictive va entraîner des effets aversifs avec dégoût pour le tabac. Enfin, dans un petit nombre de cas, la nicotine – en stimulant le système de récompense – crée un besoin compulsif de re-consommer avec syndrome de manque à l’arrêt, et ce, très rapidement.
Pour certains experts, le système de récompense des grands addicts serait peu actif et la nicotine ne serait qu’une béquille, qui, en se fixant sur les récepteurs dits nicotiniques, stimulerait ce système de récompense défaillant, rétablissant l’homéostasie de l’hédonisme (être comme tout un chacun) avec libération de dopamine (« hormone du plaisir »). Ce sont ces fumeurs qui deviennent addicts et qui, on le comprend mieux, ne peuvent pas arrêter facilement cette prise de tabac, qui les rend comme « tout un chacun ». Cela impose également une fixation rapide de la drogue au niveau cérébral, sur le récepteur nicotinique. La seule forme efficace est la fumée de cigarette, vecteur de la nicotine (microparticule véhiculée dans la fumée) qui permet une fixation sur ce récepteur en quelques secondes après passage par la barrière alvéolo-capillaire puis transport dans le sang. Voilà pourquoi le tabac grillé est indispensable pour réaliser ce « shoot nicotinique » et qu’il ne peut en être de même avec une quelconque décoction de feuilles de tabac ou de « tisane de tabac ». Et de la même façon, on comprend la très médiocre efficacité des patchs ou chewing-gums à la nicotine pour ne citer que quelques traitements.
Le SNUS
Le SNUS est un tabac oral, constitué de fines lanières de tabac (scaferlati), disposées dans un sachet poreux similaire à un sachet de thé, que l’on introduit sous la lèvre supérieure entre les dents et la gencive. Divers arômes rajoutés sont proposés à l’acheteur.
Pourquoi en parler ?
Ce SNUS est un tabac oral suédois et l’on sait que pour un peuple descendant des Vikings, à vocation maritime par sa situation géographique, l’usage de la cigarette en mer ne constituait pas le moyen le plus simple pour consommer du tabac. La pipe allait déjà mieux, image d’Épinal fixée dans nos mémoires avec le marin barbu et la casquette de capitaine. Mais cette image correspond davantage à une publicité pour certaines marques de thon qu’à la réalité. Difficile de relever les chaluts, bouffarde à la main ou au bec en pleine mer Baltique !
Mais encore ?
La Suède, qui utilise ce tabac oral, recense 16% de fumeurs de tabac grillé soit le taux le plus bas d’Europe et de loin. Les Suédois sont parvenus, pour le SNUS, en utilisant du tabac génétiquement modifié, en supprimant les engrais nitratés pour sa culture et en évitant toute fermentation des feuilles lors du séchage, à obtenir un tabac pratiquement dépourvu de la moindre teneur en nitrosamines cancérigènes (0,1 microgramme/g de tabac pour les plus récents). Or les nitrosamines sont responsables notamment des cancers buccaux. Ils sont quasi totalement absents ici. Par ailleurs, si l’on recense en Suède le nombre total de fumeurs on retrouve 16% de fumeurs de tabac grillé et 20% de consommateurs de SNUS. En totalisant les deux, il apparaît évident que le tabac oral est donc nettement moins nocif que le tabac fumé puisque pour 36% de consommateurs de tabacs tous confondus, son taux de cancers est aussi le plus bas d’Europe.
Pourquoi ne pas proposer ce produit à nos fumeurs invétérés ?
Cette proposition, objecterez-vous, va à l’encontre de la nécessité, évoquée précédemment, d’un « shoot » nicotinique requérant une forme de nicotine micronisée véhiculée par la fumée. Pourtant, nombre de chercheurs et scientifiques contestent à la nicotine l’exclusivité de la dépendance, considérant qu’il existe dans le tabac une substance, non encore individualisée (les recherches sur le tabac sont pauvres) qui serait au moins aussi efficace que la nicotine micronisée pour l’addiction.
Voilà donc un produit d’une redoutable efficacité pour ceux qui veulent cesser de fumer.
Las !
La Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), dans son arrêt du 14 décembre 2004 (affaire C-210/03), s’appuyant sur une directive européenne de 1992, affirme qu’elle n’est pas en état de conclure que le tabac oral est sans danger pour la santé. La directive de 1992, qui interdisait le « smokeless tobacco », tabac sans fumée, en grande partie utilisé par les jeunes Américains, avait eu d’autant moins de mal à l’interdire en Europe que seuls les pays scandinaves faisaient un usage traditionnel de cette forme de tabac.
De quels méfaits ce « smokeless tobacco » dont le Skoal Bandits en est l’exemple le plus représentatif, était-il donc accusé ?
En 1990, 8 millions de jeunes américains en faisaient un usage immodéré. L’industrie du tabac, profitant du fait que ce tabac non fumé avait échappé à l’interdiction de publicité, en louait ses vertus stimulantes pour les performances sportives. Le déclencheur fut des cancers buccaux révélés chez des femmes de Caroline du Nord qui utilisaient un tabac à chiquer et surtout un cancer de la gencive survenu chez un enfant de 11 ans consommant des Skoal Bandits.
Qu’en est-il ?
Si, indiscutablement, les cancers cités sont bien en rapport avec la consommation de ces tabacs sans fumée, il s’agissait en fait de produits américains très riches en nitrosamines. Or, on l’a vu, le SNUS suédois en est dépourvu. Par ailleurs ces cancers buccaux représentaient 3% des cancers avec une proportion similaire pour le tabac fumé. D’autres allégations pour tous ces tabacs sans fumée furent avancées :
- Ils favoriseraient l’entrée des jeunes dans le tabagisme.
Une enquête épidémiologique parue en 2005 dans Addictive behaviors infirme cette hypothèse ; - Il existerait un risque de cancer du pancréas induit par les nitrosamines présentes dans le tabac sans fumée.
Faut-il encore rappeler que le SNUS est dépourvu de nitrosamines. Quoi qu’il en soit l’article paru en 2005 dans Addictive behaviors réfute également cette hypothèse.
Voila donc un procès d’intention fait à un produit assimilé aux autres formes de tabac sans fumée (tabac à chiquer, tabac à priser), délivré de la totalité des nitrosamines seules dangereuses sous cette forme avec interdiction du produit en Europe (Suède exceptée).
Reprenons les propos de Robert Molimard sur le SNUS :
Utiliser le tabac sans fumée et particulièrement le SNUS est beaucoup moins dangereux que fumer. (…) Sur une échelle de risque, le SNUS est beaucoup plus proche des substituts nicotiniques que des cigarettes. (…) Passer au SNUS est une stratégie rationnelle de santé pour les fumeurs très dépendants qui n’ont jamais réussi à arrêter complètement.
Et cerise sur le gâteau :
Je serai tenté de voir, dans la décision de la Cour de Justice européenne, un des avatars d’une véritable guerre économique entre de puissants intérêts, où s’affrontent les multinationales du tabac, celles de la pharmacie, les politiques fiscales et où l’intérêt réel de la santé publique ne pèse pas grand poids.
Références bibliographiques :
• Manuel à l’usage des fumeurs invétérés
– Jean-Jacques Hubinois, Septembre 2013, Les éditions du Net, 12€ sur Amazon
• Pourquoi certains sont-ils plus accros au tabac que d’autres
– Science et vie, 2 décembre 2020
• Effects of smokeless (snus) on smoking and public health in Sweden
– K.Fagerström, J. Foulds, L.Ramstrom
• Smokeless tobacco use and risk of cancer of the pancreas and other organs
– Addictive Behaviors 2005, Boffetta.P, Aagnes.B,Weiderpass.M,Andersen.A
• Tabac sans fumée et dépendance
– Sem.Hop. Paris (1987) cité in « le snus », Molimard R.
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