Le cerveau auditif : étroite corrélation entre audition et cognition

Entendre n’est pas écouter
Nous connaissons tous la différence entre « entendre » et « écouter ».
Une personne peut entendre un bruit, un son ou le flot de paroles qui s’échappe de la bouche d’un interlocuteur sans, pour autant, qu’aucune compréhension ne fasse jour dans son esprit. Certes, une inattention, un esprit encombré de pensées parasites ou personnelles pollue le message reçu, mais si nous n’écoutons pas la personne qui nous parle, alors l’incompréhension demeure totale.
Ainsi, un message simple, un ordre, un son restent accessibles mais une phrase élaborée, qui attend une réponse construite, ne l’est pas.
La fonction de l’oreille n’est pas de comprendre, d’intégrer les données reçues et de répondre de la façon la mieux adaptée et la plus fine possible : ce processus présuppose une acquisition de connaissances qui débutent dès le plus jeune âge et nécessitent le bon fonctionnement de l’appareil auditif (l’absence de perception auditive empêche le développement du langage d’où la nécessité d’appareiller très tôt). Notre environnement et l’école vont donc jouer une grande place dans le développement de nos connaissances initiales.
Corrélation audition-cerveau
Même si le cerveau humain est un mystère excessivement complexe, que nous sommes encore loin de comprendre tant il parait impensable de comprendre notre cerveau avec notre cerveau, nous savons qu’il existe une étroite connexion entre l’audition et la cognition.
Guidés par l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRM) – qui nous permet de dresser une cartographie dynamique en temps réel et découvrir toutes les aires du cerveau qui réagissent à la perception d’une phrase – nous savons aujourd’hui que l’audition stimule plusieurs aires cérébrales et pas seulement l’aire auditive dans la région temporale, comme on l’a longtemps pensé.
Cette multi-activation cérébrale, déclenchée par des mots simples, est traitée par le cerveau dans son ensemble et dans les deux hémisphères. Par exemple une zone spécifique est activée lorsque l’on entend des mots liés aux relations sociales alors qu’une autre zone sera activée pour des chiffres ou des quantités.
Donc, tout mot entendu a la faculté d’activer des régions distinctes de notre cerveau en fonction de l’acquis de notre savoir. Un mot entendu peut ainsi réactiver une série de souvenirs, de sensations et d’associations culturelles par exemple.
L’inverse est également valable : des processus cognitifs influencent la perception des sons. Un air de musique, par exemple, est perçu différemment selon les connaissances musicales du sujet.
Par ailleurs, des études viennent de démontrer que le lien cerveau-oreille est si étroit que, lorsque l’on étudie la capacité – pour un sujet donné présentant une perte auditive – de comprendre la parole dans le bruit, on constate que la capacité auditive propre au sujet n’intervient que pour 10% !
L’essentiel de la compréhension étant assuré par des éléments cognitifs tels que :
• Le traitement central de l’information,
• Puis les aptitudes cognitives du sujet (mémoire),
• Et enfin les expériences de vie comme le statut socio-économique.
Perte auditive et modification du cerveau
Le système nerveux central se compose d’une substance blanche et d’une substance grise, cette dernière située en périphérie du cerveau.
La substance blanche se compose du prolongement des corps cellulaires des neurones, appelés axones, entourés d’une gaine protectrice (gaine de myéline) qui donne cet aspect blanc au tissu.
Ces axones relient différentes zones de « matière grise » du cerveau entre elles et transportent les impulsions nerveuses entre les neurones.
La substance grise, sise au pourtour du cerveau, abrite :
• Le corps des motoneurones (neurones moteurs envoyant des axones),
• Des dendrites (prolongements ramifiés du corps cellulaire des neurones, constituant ses parties réceptrices et recevant des informations des autres corps cellulaires),
• Des cellules gliales (qui fournissent les nutriments aux motoneurones et éliminent leurs déchets).
Des études actuelles montrent qu’une déficience auditive affecte la substance blanche, qui est altérée avec une réduction de volume du cortex cérébral. En plus d’une réduction de volume du cortex auditif primaire, elle entraine une réduction dans l’activité neuronale dans ces zones et dans d’autres régions sous corticales.
Le cerveau essaie alors de compenser cette perte en activant des circuits collatéraux, ce qui augmente les processus cognitifs et, par voie de conséquence, entraine une augmentation des ressources mentales.
Ainsi, la perte auditive augmente la concentration requise pour entendre, augmentant la charge cognitive au moment du traitement des données, fatiguant le cerveau et réduisant l’attention et les ressources cognitives disponibles pour d’autres activités.
L’appauvrissement des signaux acoustiques provoque vraisemblablement une stimulation corticale insuffisante, expliquant cette atrophie.
Sur le plan microscopique, les neurones réduisent les spicules sur leurs dendrites, donnant un aspect dépouillé en arbre mort.
Ce cercle vicieux est bidirectionnel :
• La perte auditive engendre des changements fonctionnels au niveau du cerveau,
• Et inversement, un déclin cognitif lié au vieillissement favorise la dégradation auditive.
Perte auditive et démence
Un cas de démence sur trois pourrait être attribué à une déficience auditive.
En 2011, Frank Lin de la John Hopkins University présente les résultats d’un suivi de 600 adultes âgés ne présentant aucun diagnostic initial de démence, soumis à des examens audiométriques répétés. La conclusion de cette étude est qu’une perte auditive légère, modérée ou sévère est associée à un risque de déclin cognitif respectivement, deux, trois et cinq fois plus grand que chez les personnes ne présentant aucun trouble de l’audition.
Ce constat est confirmé par une étude plus longue, renforçant la notion d’une étroite corrélation entre perte auditive et démence. Ultérieurement, une autre étude portant sur 165 000 adultes de 40 à 69 ans révèle qu’une audition fragile est liée à des niveaux plus grands d’atteinte cognitive.
Inversement, la perte d’audition bilatérale étudiée sur une population de 155 000 personnes âgées de 65 ans et plus est associée à une augmentation du risque de démence de 43%. Une perte d’audition bilatérale à un risque de démence de 20%.
Quels sont les mécanismes précis qui sous-tendent cette corrélation ? Plusieurs hypothèses ont été avancées :
• Une atteinte vasculaire à l’origine des 2 troubles,
• Une « usure » prématurée du système cognitif chez des patients déficients auditifs,
• Le repliement social en rapport avec la perte auditive, qui favoriserait la démence.
Chiffres clés

Conclusion
Chaque année, entre 6 et 9 millions d’Européens, notamment des femmes, souffrent de démence. L’impact économique annuel des coûts totaux des pathologies neurologiques dépasse les 790 milliards d’euros contre :
• 200 milliards pour les maladies cardiovasculaires,
• 150 milliards pour les tumeurs.
La tentative de ralentissement de cette démence, sans parler d’arrêt, reste donc une priorité de santé publique.
Parallèlement, le coût de la perte auditive non traitée, avec déclin cognitif et risque de démence est, lui aussi, bien réel et estimé par l’OMS à 178 milliards d’euros par an pour l’Europe.
Une conclusion s’impose donc de façon évidente : l’appareillage auditif doit être proposé le plus tôt possible, dès que la presbyacousie devient significative, sous peine de voir les individus glisser insidieusement vers le déficit cognitif, le repliement sur soi et parfois la démence.
Encore faut-il, bien sûr, que l’individu accepte l’appareillage auditif !
Or la perspective des conséquences induites au non appareillage ne sont pas suffisantes à le motiver.
Les individus « sautent » le pas dès lors :
• Que leur gêne devient handicapante au quotidien,
• Que l’offre proposée est en adéquation avec leurs besoins (appareils discrets, efficaces, d’utilisation simple, vendus au juste prix et dont le parcours d’obtention est raccourci, ce qui est le cas des prothèses auditives préréglées disposant de la norme CE).
Ce serait la seule façon d’économiser à terme des milliards d’euros.
C’est aussi pourquoi le coût nettement moindre de l’appareillage doit aussi faire partie d’une priorité de santé publique.
Sources :
Document de consensus 2018 « Le cerveau auditif : étroite corrélation entre audition et cognition »
Elizabeth P. Helzner, Professeur adjointe en épidémiologie, SUNY Downstate Medical Center School of Public Health, Brooklyn, NY ; Camillo Marra, Professeur titulaire de neurologie, Universita Cattolica del Sacro Cuore, Rome ; Olivier Sterkers, Unité d’Otologie, implants auditifs et chirurgie de la base du crâne
Références :
• Mcgilwray A. Ageing, « Restoration project »
– Nature (2016)
• Helzner E.P et al. « Race and sex differences in age-related hearing loss : the Health, Ageing and Body composition Study »
– Journal of the American geriatrics Society (2005)
• Lin F. et al. « Hearing loss and incident dementia »
– Archives Neurology (2011)
• Peracino A. « Hearing loss and dementia in ageing population »
– Audiology and Neurology (2014)
• Kohanski R.A et al. « Reverse geroscience : how does exposure to early disease accelerate the age-related decline in health ? »
– Annals of the New-York Academy of Sciences (2016)
• Hanson M.A, Gluckman PD. « Early developmental conditioning of later health and disease : physiology or pathophysiology ? »
– Physiological Reviews (2014)
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Commentaires
Le 29 avril 2019 à 20h35, Marjorie a dit :
Bonjour, je n'arrive pas à trouver votre source : Document de consensus 2018 "Le cerveau auditif : étroite corrélation entre audition et cognition" et j'aimerai la citer dans une étude. Essentiellement pour la partie où il est relevé que seulement 10% des capacités auditives jouent un rôle dans la compréhension dans le bruit. Pourriez-vous me transmettre un lien qui me permette d'accéder à cette information ? Ou un accès au document afin que je puisse me le procurer ?
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